Malgré l'alcool qui l'empêchait d'avoir les idées totalement claires, le cœur du jeune homme fit un bond dans sa cage thoracique lorsque le téléphone fut décroché. Inconsciemment, il en vint à penser qu'il aurait sans doute préféré ne pas avoir de réponse plutôt que d'entendre le son de cette voix qui le détruisait désormais à petit feu dés qu'il l'entendait. Au bout d'un instant, il se força à prononcer quelques mots, luttant contre la boule qui s'était installée dans sa gorge.

« - Ouais.. c'est moi. » Maintenant son téléphone d'une main et triturant ses bouclettes de l'autre, de nombreuses pensées défilaient dans son esprit à une vitesse telle que son mal de crâne ne fit que de s'amplifier. « - Je... j'appelais juste pour te souhaiter.. euh.. mes félicitations, je suppose... »

Il aurait voulu lui dire qu'il était content qu'elle aie trouvé quelqu'un qui la rendait heureuse au point qu'elle aie décidé de se marier si vite, qu'elle méritait le bonheur plus que n'importe quelle personne sur cette planète, et pourtant les mots restèrent bloqués. L'hypocrisie n'avait jamais été son truc et il refuserait toujours d'admettre qu'elle puisse avoir le sourire dans les bras d'un autre que lui.

« - Enfin.. je crois que je vais te laisser.. je n'aurai pas dû appeler. » enchaîna-t-il à une vitesse monstre en ponctuant sa phrase d'un petit rire nerveux qui sonnait atrocement faux.

Le jeune homme n'eut même pas besoin d'entendre la voix de la jeune femme pour s'arrêter en plein élan alors qu'il comptait raccrocher. Malgré son état d'ébriété plutôt avancé, il n'était pas totalement stupide non plus et la respiration anormale de la jeune femme l'inquiéta instantanément.

« - Rose ? Il y a un problème? »

Au fond de lui, il aurait pourtant voulu avoir la force de l'envoyer bouler. De raccrocher sans se soucier de ce qui se passait en ce moment même en se disant que ce n'était pas ses oignons, qu'elle avait fait son choix et puis voilà. Pourtant, même avec la meilleure volonté du monde, il n'y parvenait pas.. tout ça parce qu'il espérait qu'elle aie besoin de lui d'une façon ou d'une autre. N'étais-ce pas pathétique ?

Il manqua de tomber en arrière avec sa chaise en entendant la voix de la jeune femme. Elle qui était d'habitude si joyeuse, si pleine de vie, illuminant quasiment une pièce par sa seule présence... qu'est-ce qui avait bien pu se passer pour qu'elle se retrouve dans un état pareil, à respirer lourdement et à être visiblement prête à éclater en sanglots ?

« - Rose, calme-toi. »

Cette fois, ce fut lui qui laissa un blanc. En quoi ça le concernait, après tout ? Si elle avait un problème, elle pouvait toujours en parler à son époux, c'était son rôle de régler les ennuis de sa femme si ceux-ci avaient pris trop d'ampleur. Lui, il n'était qu'un ex parmi d'autres, ni plus ni moins...

« - Prend une grande inspiration, et commence déjà par me dire où tu es et ce qu'il s'est passé. »

Eh oui, quoi qu'il arrive, son cœur prenait le dessus sur sa raison. Il était pire qu'un St-Bernard.

Obéissant malgré lui, il se rassit correctement sur sa chaise en restant silencieux le temps de la laisser répondre à ses questions. Merde, dans quelle situation s'était-elle encore fourrée ? Et pourquoi ne lui en avait-elle pas parlé AVANT de se marier, si ce type l'effrayait tant ? Car oui, il se doutait bien que la personne ayant mit la jeune femme dans un état pareil ne pouvait être que son compagnon : c'était peu probable qu'un personnage maléfique soit sorti de nulle part et ait réussi à l'effrayer de la sorte.

« - Okay.. Okay.. »

Il se forçait à réfléchir à toute vitesse, tentant de trouver une solution la plus rapide et efficace possible. Heureusement pour lui -et surtout pour elle- qu'il avait toujours eu une bonne résistance à l'alcool.

« - Je suppose que tu ne connais pas l'adresse exacte donc.. essaye de sortir et de trouver un bar ou quelque chose comme ça où ils pourraient t'indiquer une adresse exacte. Je reste avec toi par téléphone si tu veux et je vais commencer à rouler vers le Kent, d'accord ? » demanda-t-il en se pinçant l'arête du nez. Il n'était pas convaincu que prendre le volant dans son état soit une bonne idée, mais là tout de suite, il ne voyait rien d'autre à faire.

Tremblante dans sa nuisette de soie bleu lavande, Rose avançait à tâtons dans la pénombre de la chambre. Heureusement qu'il s'agissait d'un chalet sans volets, les rayons de la lune lui permettait de se repérer dans la pièce. Tandis qu'elle essayait d'attraper une veste et des bottes, elle contenait ses sanglots pour ne pas réveiller celui qui était désormais son mari. Il ronflait en plus, mon dieu quelle horreur ! Elle s'extirpa dehors, n'ayant pas raccroché : sûrement pour se rassurer.

« Kit tu es toujours là hein ? S'exclama-t-elle angoissée une fois sortie. »

Elle frissonna de plus belle : ce qu'il faisait froid en Angleterre ! Le cottage n'était pas loin d'un petit village, elle se mit donc à marcher, espérant ne croiser personne ainsi vêtue.

« Je suis.. euh... ah ! Un panneau ! Je suis à Cranbrook ! Déchiffra la rousse comme si sa vie en dépendait. »

Kit tituba quelque peu en se relevant. Soudainement, il se maudissait d'avoir autant bu. C'était bien une manie de mecs ça : soigner son amertume et sa douleur dans l'alcool plutôt que d'admettre franchement sa souffrance et de se laisser aller un bon coup. Comme si ça avait déjà arrangé les soucis de quelqu'un, de se réveiller le lendemain avec une gueule de bois et/ou dans le lit d'un(e) parfait(e) inconnu(e).

« - Ah ! Euh, oui oui je suis toujours là. »

Il venait tout juste de poser son postérieur sur le siège conducteur lorsqu'elle avait reprit la parole, alors forcément, pour un type qui avait toutes les peines du monde à se souvenir ne serais-ce que du lieu où il résidait en ce moment même, entendre une voix retentir à travers un objet constituait une véritable prouesse technologique sur le moment.

« - Cranbrook.. Ok.. Euh.. C'est à une bonne demi-heure de là où je suis... Tente de trouver un endroit où tu serais en sécurité, là où il y a du monde de préférence. Je reste au téléphone avec toi de toute façon. Je démarre là, tiens bon ! »